Le médecin “veut aider ses femmes”. Car que ce soit la chimio, les rayons ou l’hormonothérapie, ces traitements altèrent la fonction ovarienne de ces femmes soignées pour un cancer du sein, des ovaires, de l’utérus, du rectum : les hormones féminins fabriqués par les ovaires sont affectés par ces traitements. Ce manque d’hormones va entraîner de la sécheresse vaginale, des échauffements, des rapports douloureux et une perte de libido.
Isabelle, la soixantaine, se souvient qu’elle ne pouvait plus porter de pantalon serré, ni lingerie féminine “que des robes et des caleçons pour homme.” Céline, la quarantaine, elle ne pouvait pas s’asseoir sur la selle de son vélo, souffrait quand elle s’essuyait avec du papier hygiénique. “La vie intime on n’en parle même pas. Ce n’est pas entendable, moi j’ai quarante ans.”
Des traitements aux effets plus durables
Le Docteur Marchand-Lamiraud cherche, se renseigne et trouve des publications aux Etats-Unis et au Canada qui parlent de traitements efficaces, durables. Des techniques dites de régénération des tissus. Ils sont autorisés en France depuis 4-5 ans. Il s’agit d’injections d’acide hyaluronique sous anesthésie locale, de radiofréquence au niveau du vagin ou de luminothérapie par sonde.
Et selon le Docteur Marchand-Lamiraud, c’est plus intéressant_”que les ovules et les crèmes que l’on propose aux femmes depuis des années. 80% des femmes interrompent le traitement au bout d’un an du fait de la contrainte, parce qu’il faut mettre tous les jours. Ca ne guérit pas, ça maintient une certaine hydratation, un confort, mais dès qu’on arrête, tout repart. En plus, ça oblige à mettre des protèges slips. Les techniques actuelles ont l’énorme avantage de faire un traitement qui va quasiment vous protéger pour une année et on refait un traitement annuel d’entretien.”_
C’est ce qu’ont fait Céline et Isabelle. Céline confie : “je n’ai plus du tout de douleur. Comme si je n’avais jamais eu mon cancer, à ce niveau-là en tous les cas.” Isabelle, qui dit avoir “un camarade de jeu bienveillant, patient” évoque le plaisir de retrouver une vie intime : “on retrouve des possibilités physiques et donc son moral.” Que ces femmes puissent avoir une vie intime comme n’importe quelle autre femme, c’est important pour le Docteur Marchand-Lamiraud : “elles sont déjà abimées parfois au niveau mammaire (…) alors ne plus avoir de sexualité, à ce moment-là, pour elles, elles ont tout perdu. Toute leur féminité.”
Sauf que ces traitements, autorisés mais nouveaux, ne sont pas forcément connus : “mon premier combat, c’est d’informer les femmes, il faut qu’elles soient traitées, qu’elles ne soient pas seules, isolées. Les médecins ne sont pas tous formés, c’est récent. J’informe, je forme les médecins”, poursuit le Docteur Marchand-Lamiraud. Elle anime des conférences auprès de confrères. Elle reçoit aussi des patientes qui viennent de Normandie, de Bretagne, de La Rochelle, Poitiers, etc.
Des soins pris en charge par la Sécurité sociale pour les hommes, pas pour les femmes
Son autre combat est celui de la prise en charge financière de ces traitements. Pour le traitement de départ, ça peut aller jusqu’à 700 euros. Puis, il y aura des frais liés aux interventions pour prolonger les effets, environ une fois par an. Sauf que, comme les ovules et crèmes qu’il faut renouveler très, très régulièrement, ces traitements ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale. “Les hommes quand ils ont des séquelles liées à un cancer de la prostate, la prise en charge d’un traitement pour avoir une érection est systématique, indique le Docteur Marchand-Lamiraud. Pour Isabelle, “on reste sur une approche très sexiste de ces situations-là.”
Pour Céline, ce n’est pas “du luxe, des soins de confort” Le Docteur Marchand-Lamiraud parle de “soins de suite, de soins de support. On doit traiter les séquelles du traitement pour le cancer.” Ne plus souffrir, retrouver une vie intime harmonieuse, après “le tsunami qu’est le cancer”, est important pour toute femme, quelque soit l’âge, pour le Docteur Marchand-Lamiraud. Selon elle, un tiers des couples dont la femme a eu un cancer se sépare. Elle nuance, précisant que ces séparations ne sont pas forcément toutes dues au cancer, mais l’absence de vie sexuelle a forcément dans certains cas eu un rôle.